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Jacques Argaud - Architecte - Expert près la cour d'appel de Rennes et la cour administrative d'appel de Nantes
2 décembre 2022

Les fissurations dans le bâtiment

Extraits de l'article paru dans L'eXpert la revue de la compagnie des experts (CEA https://www.expert-cea.com) :

Dans les sinistres « construction » diverses pathologies récurrentes ont souvent des natures et des causes techniques différentes et sont sujettes à des discussions juridiques relatives à  leur qualification.

Le royaume de cet exercice est celui de la fissure.

Mais qu’est-ce qu’une fissure ?

Selon le Larousse, le mot fissure est défini comme étant une « fente étroite, petite ouverture longitudinale ».

Selon les normes, existent trois dénominations lesquelles sont à mettre en parallèle de la largeur d’ouverture de la fissuration :

  • microfissure : fente de largeur < 0,2 mm
  • fissure : fente de largeur comprise entre 0,2 et 2 mm
  • lézarde : fente de largeur > 2 mm

sur les microfissures :

Une microfissure est une fissuration dont la largeur d’ouverture de ses lèvres est au maximum de 2/10ème de millimètre.

 Pour faire simple, cette pathologie est communément rencontrée dans les expertises et nous pouvons dire que les microfissures affectent toutes sortes de parois, que celles-ci soient constituées de briques, de parpaings ou encore de béton armé.

Généralement, une microfissure est le stade initial à une future fissure voire lézarde, sans pour autant être, au jour de l’expertise, infiltrante ou traversante.

Si ces microfissures entrent dans le cadre de la GPA -Garantie de Parfait Achèvement-, c’est-à-dire apparaissent dans un délai d’un an à compter de la date de réception des travaux (code civil art. 1792-6 al 2), bien souvent sera préconisé par l’expert un traitement adapté sous forme de colmatage suivi d’un simple ravalement, pour autant que l’expert désigné n’ait pas détecté d’évolution dans le temps.

En revanche, si au-delà de la 1ère année l’impropriété à destination ou l’atteinte à la solidité de l’ouvrage n’est pas caractérisée, il n’y aura pas d’intervention d’assureur RCD au titre de sa garantie.

 Le juriste va donc devoir rapidement examiner s’il a les moyens de gérer des recours en garantie.

C’est à  ce titre que la recherche et la détermination de la cause technique reste nécessaire puisque c’est toujours la question de l’imputabilité qui gouverne les recours.

De surcroît, les experts ne doivent pas oublier que si une faute peut être démontrée, par exemple une insuffisance d’épaisseur d’enduit ou de ferraillage dans un chainage d’angle, une recherche en responsabilité de l’entreprise pourra être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil (anciennement 1147 du même code)  lequel dispose  « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. ».

Dans ce cas, il y a une inversion de la charge de la preuve.

sur les fissures :

Une fissure possède une largeur d’ouverture de ses lèvres comprise entre 2/10ème et 2 millimètres.

Pour un expert, une des 1ères questions à se poser consiste en la détermination de l’évolution ou non de cette fissure.

En effet, si la fissure est active, c’est-à-dire si elle évolue à la fermeture ou à l’ouverture, le raisonnement sera différent pour ce qui est du remède à envisager.

A un moment se posera la question : faut-il ou non appareiller une fissure ?

 

Appareillage d’une fissuration (crédit photo Jacques ARGAUD)

Par expérience, c’est le seul moyen pour déterminer de manière objective et certaine si oui ou non une fissure évolue avec le temps, soit de manière constante c’est-à-dire que l’ouverture ne cesse de progresser ou, au contraire, soit qu’elle est sujette aux caprices météorologiques avec une alternance de périodes de fermeture et  d’ouverture, ce qui traduit une pathologie spécifique (cf. ci-dessous rubrique tassement différentiel).

Que l’évolution de la fissuration soit ou non avérée, l’expert devra s’attacher à déterminer le mécanisme de réalisation de celle-ci, c’est-à-dire qu’il devra en rechercher son fait générateur.

D’un point de vue mécanique, le processus est sensiblement le même : avant la fissuration, le bâtiment se déforme sous les forces occasionnées par les diverses contraintes qui se développent dans sa structure puis, au regard de la capacité de résistance du matériau, lorsque ces forces deviennent trop importantes une rupture se produit laquelle se traduit inéluctablement par une fissuration.

Aussi, l’apparition d’une fissuration est toujours la conséquence d’une rupture.

sur les lézardes :

Une lézarde est une fissure dont la largeur d’ouverture de ses lèvres est au minimum de 2 millimètres.

Si un tel niveau d’écartement, généralement relativement rare, il traduit un mouvement très important du bâtiment.

Avec encore plus d’acuité que pour les fissures, une sérieuse analyse technique doit être engagée par l’expert désigné et l’intervention d’un ingénieur structure est souvent requise.

En outre, il peut être nécessaire de prendre des mesures conservatoires pour éviter un effondrement total ou partiel.

 

Lézarde (crédit photo Jacques ARGAUD)

sur les désordres relatifs aux tassements différentiels :

Des fissurations peuvent en revanche être le résultat d’un désordre affectant la structure du bâti ou le sol.

Selon la taille, la gravité ou encore la rapidité de l’évolution un expert de la construction pourra établir un diagnostic structurel aidé ou non par un géotechnicien.

Les fissurations liées à un défaut de portance des fondations pourront avoir une allure horizontale, par exemple lorsque c’est l’angle de la maison qui s’enfonce dans le sol ou quand la fissure apparait au niveau du soubassement sous l’arase du dallage.

A la vue d’une fissuration Il n’existe donc pas de règle simple pour affirmer que les désordres observés sont ou non la conséquence d’un mauvais comportement des fondations.

Pour un expert, la connaissance des bases de la résistance des matériaux est nécessairement doublée d’une bonne expérience professionnelle du sujet.

C’est ainsi qu’il est erroné de conclure qu’un tassement s’accompagne toujours de fissures à 45° mais, en revanche, un mur affecté de fissures à 45° subit presque toujours les effets d’un tassement …

Il faut aussi savoir lire à travers l’enduit qui décore la façade lequel peut dissimuler des renforts dans la structure, certes bien souvent invisibles à l’œil mais qui néanmoins modifient le trajet attendu des fissures : il s’agit en tout 1er lieu des linteaux et des chainages.

Enfin, lorsque des fissurations d’une certaine ampleur sont visibles sur les façades d’une maison et sont attribuées à un tassement, on observe quasi systématiquement des désordres à l’intérieur de l’ouvrage.

En effet, les cloisons de doublage sont bloquées autour des menuiseries extérieures, elles-mêmes solidaires du gros œuvre et ainsi à la fissuration des façades répondra la fissuration des cloisons de doublage intérieur.

Dans le même esprit, il est fréquent de constater le blocage ou le mauvais fonctionnement des menuiseries extérieures lorsqu’un tassement se produit.

En conclusion, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur d’un bâtiment, sur un mur porteur ou non, le phénomène de fissuration demeure un phénomène très fréquent dans le bâtiment et il convient de prendre le problème très au sérieux tout en respectant une méthodologie adaptée.

Lorsqu’un expert est en présence de fissurations, dans un 1er temps, il doit toujours se préoccuper de savoir si celles-ci évoluent ou non en s’appuyant sur un appareillage adapté et judicieusement disposé.

 

Mesure de l'ouverture d’une fissuration (crédit photo Jacques ARGAUD)

Dans ce même temps, il sera pertinent de savoir si chaque fissuration observée est ou non infiltrante étant ajouté qu’elle peut ne pas l’être à l’instant T lors de la 1ère opération d’expertise puis le devenir au fil du temps d’observation.

Dans un 2ème temps, l’expert devra déterminer le mécanisme de réalisation de cette fissuration et donc sa cause afin qu’en s’appuyant sur une sérieuse base technique le juriste intervenant ultérieurement (gestionnaire de compagnie d’assurance ou avocat ou juge face à une procédure judiciaire) puisse motiver un fondement juridique en vue de déterminer d’éventuelles responsabilités.

D’une manière générale, une fissuration est toujours la conséquence visible d’une rupture ayant affecté le matériau constituant la paroi concernée (plancher, mur, en brique, parpaing de ciment, pierre, brique, béton, …).

Pour certaine que soit la rupture cause de la  fissure et pour précise et complète que soit l’analyse de l’expert la certitude juridique du régime et de la qualification de la fissure ne sont pas une évidence.

Sa gravité, même à supposer l’œuvre du temps, ne peut jamais être supposée comme étant par principe de nature décennale à terme. 

Rédacteurs (par ordre alphabétique) :

Jacques ARGAUD - Architecte

Expert près la cour d’appel de Rennes

Expert près la cour administrative d’appel de Nantes

Membre d’honneur du Collège Régional des Experts Architectes de l’Ouest

et

Maître Laurent BOIVIN - Avocat au barreau de Rennes

Spécialiste en droit de la Construction

Article_Les_fissures_dans_le_b_timent_n__128

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